Claude Debussy - Pour les Accords (Etude livre 2, n°12)" (...) ces "Etudes" qui effraient vos doigts... Soyez certain que les miens s'arrêtent parfois devant certains passages. Il faut que je reprenne ma respiration comme après une ascension. En vérité, cette musique plane sur les cimes de l'exécution ! Il y aura de jolis records à établir..." (Lettre à Jacques Durand, 1er septembre 1915) Va-et-vient dynamique, pression-détente, arsis-thésis... Accords et renversements sautent de part et d'autre du clavier, sous forme d'octaves, en rebonds incessants. La franchise de ces blocs -- accords souvent parfaits, sans relation harmonique scolaire -- accentue la rudesse d'expression. Un Debussy est là, - voyez le Prélude de la suite « Pour le piano » ; voyez les pages grondantes de « La Mer »... et tant de pages où le compositeur montre les signes d'une force franche (fort éloignée des demi-teintes auxquelles on associe trop souvent l'inspiration debussyste). Une pause soudaine, nécessaire. « Pianissimo », « dolcissimo », un chant confidentiel à l'écart du tumulte... Soubresauts contenus, regret d'une tendresse (impossible ?)... Les Sonorités opposées, les Sixtes semblent même ressusciter l'espace d'un instant, dans un « sensibile » fugace et nostalgique... Mais la paix est fragile. Le démon ressurgit. Il est tentant de voir, dans l'énergie réactive de telles pages, celle d'un être meurtri, - je pense aux violentes pages de Pelléas, celles d'un Golaud inquiet, blessé, exaspéré... Qui connaît la vie de Debussy en a vu les orages, les blessures. Son exigence artistique notamment suscita plus d'une fois le mépris. En chaque artiste pourtant, cohabitent la dévorante rébellion de l'adolescence, la colère d'un âge volontiers provocant, - d'abord par impuissance à sortir le monde adulte de sa routine -, et la fraîche intensité d'une perception quasi-enfantine, si sensible. L'étude « Pour les accords » scande cette ambivalence, ces battements d'un cœur d'une énergie sans faille, sans raison que la vie. Mais fragile comme elle. "Est-ce que ce sera la fin de moi, la fin de ce désir d'aller de l'avant, qui me tenait lieu du pain et du vin ?" s'inquiète Debussy peu avant sa mort... Il est remarquable qu'une œuvre pianistique si nouvelle, -- aussi constamment moderne, que ces Douze études -- , s'achève sur une manifestation de force si contrastée et si claire. (Louis Latourre) _________________________________________________________________________ [MERCI Louis de nous avoir enregistré les Études. Vous dites qu'il fallait un Steinway, neuf micros, un ingénieur du son et un virtuose. Mais nous avons eu un clavier une webcam et vous même si vous dites avoir manqué de temps MERCI ! On a l'impression d'un ami qui nous montre comment ces pièces sont faites code pour embarquer la vidéo : >>> http://www.youtube.com/embed/A6_Bh6dzPKk <<< |