Alain Gillot-Pétré le pitre des nuagesAlain Gillot-Pétré, présentateur météo de la chaîne, mort le matin même, a éclipsé l'an 2000 et Boris Eltsine de l'ouverture des journaux de TF1, vendredi 31 décembre 1999. Il avait 49 ans. C'était quoi, la météo avant Gillot-Pétré? On a comme un trou de mémoire. De vagues souvenirs de jeunes femmes dessinant des soleils sur des cartes de France, reléguées en fin de journal. Première innovation: Alain Gillot-Pétré est un homme, dans cette annexe de speakerines qu'est la météo. Il y débute en 1981 après avoir été rédacteur au service politique étrangère de la deuxième chaîne de l'ORTF en 1972, critique littéraire à France Inter puis au journal d'Antenne 2. Pendant cinq ans, il est donc le «monsieur Météo» de la Deux et fait de ce rendez-vous compassé un lieu d'aimable extravagance, un spectacle quotidien gentiment brindezingue, sans pour autant être un rigolo: il est reconnu par les professionnels comme étant «sérieux et compétent» dans son domaine. Seulement, Alain Gillot-Pétré a tout compris, il sait que la météo est «la séquence la plus regardée de la télévision française» et qu'il en est l'oracle, son incarnation, alors il accorde les pochettes de ses costumes aux couleurs du ciel, et, le plus sérieusement du monde, il fait le pitre. En 1984, il obtient «la palme des présentateurs de télévision qui déclenchent le rire». Gillot-Pétré arbore catogan et boucle d'oreille à la télé: scandale, un homme à queue-de-cheval pour le cérémonial du temps, le bougre aime provoquer; en 1982, on le retrouve à Libé. Canaille. Sa chronique, intitulée au départ «Bonjour monsieur Météo» puis, plus laconiquement, «Monsieur Météo», durera quatre ans. Il y adopte un ton canaille qui vire parfois au graveleux, voire au douteux. Si, dans sa première livraison, il lançait un «Naturistes de tous les pays, déshabillez-vous» assez anodin et idoine en ce chaud mois de mai 1982, sa «météo palpable» du 12 décembre 1983 lui vaudra d'être purement et simplement coupé par les clavistes de Libération. Paillettes. Responsables, avant l'informatisation, de la saisie des articles, les clavistes intervenaient intempestivement dans les papiers par des «notes de la claviste» (ndlc) devenues légendaires, des commentaires parfois cinglants sur le contenu des articles. Ce jour-là, ulcérées par la chronique de Gillot-Pétré qui «ne comprend pas pourquoi les femmes de New Delhi ne veulent plus se faire tripoter dans les bus», elles remplacent une partie de la chronique par des pointillés, avec ce message: «Les femmes de New Delhi et les clavistes de Libération sont de mèche, Gillot, va falloir chercher d'autres médias pour te trouver des ennemies féministes. Touche-toi un peu plus (ou un peu moins, question de point de vue), ça nous fera des vacances. Hello, le soleil brille chez les clavistes!» Pourtant, la chronique se poursuivra jusqu'à ce que Gillot-Pétré décide qu'il «faut savoir s'arrêter avant de faire de la merde», en 1986. Cette année-là, il est attiré par les paillettes de la Cinq berlusconienne et il y va, pour animer un jeu: C'est beau la vie. L'expérience fait long feu, et, en 1987, il rejoint TF1, privatisée de frais, où il se retrouve armé de ses pochettes, de son catogan et de sa boucle d'oreille" présentateur météo. Au fil des ans, les cartes météo évoluent. Autrefois statiques, on y voit désormais la pluie tomber et les soleils darder leurs rayons, les photos-satellites s'animent. Alain Gillot-Pétré, lui, ne change pas, imperturbablement, tous les jours, il «joue» sa météo. En 1996, tout en gardant sa place à la fin du JT, le bulletin gagne un nouveau rendez-vous avant la grand-messe. Ultime consécration, la météo est désormais une locomotive pour le 20 heures, tout en permettant de faire entrer de nouveaux écrans publicitaires. Ailleurs, sur le câble et le satellite, des chaînes entières lui sont consacrées. Alain Gillot-Pétré est toujours là: en 1997, il fête ses vingt-cinq ans d'antenne, dont vingt de direct quotidien. Le 1er juin 1998, c'est en direct, justement, qu'il a un malaise. Invraisemblable moment de télé: accroché à la photo-satellite, il tente de la commenter mais rien ne sort, on pense qu'il s'agit d'une énième clownerie. D'un ton saccadé, il dit: «Je ne peux plus, excusez-moi"» code pour embarquer la vidéo : >>> http://www.youtube.com/embed/2vJmrcxU6fM <<< |