la rumeurekoué: paque à new york" Les Pâques à New York" quelque partie du poeme de Blaise Cendrars, Seigneur, c'est aujourd'hui le jour de votre Nom, J'ai lu dans un vieux livre la geste de votre Passion, Et votre angoisse et vos efforts et vos bonnes paroles Qui pleurent dans un livre, doucement monotones. Je descends à grands pas vers le bas de la ville, Le dos voûté, le coeur ridé, l'esprit fébrile. Votre flanc grand-ouvert est comme un grand soleil Et vos mains tout autour palpitent d'étincelles. Les vitres des maisons sont toutes pleines de sang Et les femmes, derrière, sont comme des fleurs de sang, D'étranges mauvaises fleurs flétries, des orchidées, Calices renversés ouverts sous vos trois plaies. Votre sang recueilli, elles ne l'ont jamais bu. Elles ont du rouge aux lèvres et des dentelles au cul. Les fleurs de la Passion sont blanches, comme des cierges, Ce sont les plus douces fleurs au Jardin de la Bonne Vierge. C'est à cette heure-ci, c'est vers la neuvième heure, Que votre Tête, Seigneur, tomba sur votre Coeur. Je suis assis au bord de l'océan Et je me remémore un cantique allemand, Je suis triste et malade. Peut-être à cause de Vous, Peut-être à cause d'un autre. Peut-être à cause de Vous. Seigneur, la foule des pauvres pour qui vous fîtes le Sacrifice Est ici, parquée, tassée, comme du bétail, dans les hospices. D'immenses bateaux noirs viennent des horizons Et les débarquent, pêle-mêle, sur les pontons. Il y a des Italiens, des Grecs, des Espagnols, Des Russes, des Bulgares, des Persans, des Mongols. Ce sont des bêtes de cirque qui sautent les méridiens. On leur jette un morceau de viande noire, comme à des chiens. C'est leur bonheur à eux que cette sale pitance. Seigneur, ayez pitié des peuples en souffrance. Seigneur dans les ghettos grouille la tourbe des Juifs Ils viennent de Pologne et sont tous fugitifs. Je le sais bien, ils ont fait ton Procès; Mais je t'assure, ils ne sont pas tout à fait mauvais. Ils sont dans des boutiques sous des lampes de cuivre, Vendent des vieux habits, des armes et des livres. Rembrandt aimait beaucoup les peindre dans leurs défroques. Moi, j'ai, ce soir, marchandé un microscope. Hélas! Seigneur, Vous ne serez plus là, après Pâques! Seigneur, ayez pitié des Juifs dans les baraques. Seigneur, je suis dans le quartier des bons voleurs, Des vagabonds, des va-nu-pied, des recéleurs. Je pense aux deux larrons qui étaient avec vous à la Potence, Je sais que vous daignez sourire à leur malchance. Seigneur, l'un voudrait une corde avec un noeud au bout, Mais ça n'est pas gratis, la corde, ça coûte vingt sous. Il raisonnait comme un philosophe, ce vieux bandit. Je lui ai donné de l'opium pour qu'il aille plus vite en paradis. Je pense aussi aux musiciens des rues, Au violoniste aveugle, au manchot qui tourne l'orgue de Barbarie, A la chanteuse au chapeau de paille avec des roses de papier; Je sais que ce sont eux qui chantent durant l'éternité. Seigneur, faites-leur l'aumône, autre que de la lueur des becs de gaz, Seigneur, faites-leur l'aumône de gros sous ici-bas. Les rues se font désertes et deviennent plus noires. Je chancelle comme un homme ivre sur les trottoirs. J'ai peur des grands pans d'ombre que les maisons projettent. J'ai peur. Quelqu'un me suit. Je n'ose tourner la tête. Un pas clopin-clopant saute de plus en plus près. J'ai peur. J'ai le vertige. Et je m'arrête exprès. code pour embarquer la vidéo : >>> http://www.youtube.com/embed/z94xQEOthps <<< |